Langage naturel et bibliothèques scolaires/publiques... de quoi ça parle?

© Lydia Jaillet

Connaissez-vous la classification en langage naturel ? 

Avec mon regard de bibliothécaire scolaire spécialisée récemment arrivée à la Coordination des bibliothèques scolaires, je suis allée visiter deux bibliothèques scolaires (Montreux-Est et Lausanne Plaines-du-Loup) et la bibliothèque publique de Nyon qui ont toutes trois adopté la classification en langage naturel. Ces quelques lignes pour vous expliquer leur projet et les enjeux liés. 

Allons-nous promener dans les rayons des documentaires pour que je vous explique mes découvertes. 

Pourquoi ont-elles fait le choix d'abandonner la classification décimale universelle (CDU) pour les documentaires ?

La classification décimale universelle a été établie au début du 20ème siècle par Paul Otlet et Henri de La Fontaine. Elle est toujours très utilisée dans les bibliothèques publiques et scolaires. Elle permet de classer les documentaires selon le sujet, avec l'aide de chiffres. 

La CDU possède certes des avantages, mais un inconvénient majeur persiste : l’accessibilité. En effet, les usager.ère.s ont de la difficulté à comprendre ce classement, ce qui complique la recherche autonome d’un ouvrage documentaire.

Or, le public est au centre de toutes les attentions des bibliothèques. Adapter la gestion des collections à leurs besoins est donc primordial.  Plusieurs bibliothèques ont ainsi cherché une alternative à la CDU pour la classification des documentaires. La solution dont nous parlons dans cet article s’inspire de l’organisation des ouvrages en librairie : la classification en langage naturel. 

Comment fonctionne cette fameuse classification en langage naturel ?

A la place d’associer les sujets à des chiffres comme avec la CDU, la classification en langage naturel se base sur les mots du langage courant. 

Pour créer cette classification, la première étape est de définir les grandes catégories, également appelées pôles. Il s'agit du niveau 1. Voici quelques exemples de pôles : nature, société, numérique, santé et bien-être, etc. Le nom du pôle est indiqué par une étiquette collée sur le haut du livre. Pour différencier les pôles, certaines bibliothèques utilisent également un code couleur. Par exemple, le pôle nature sera en vert. 

Des sous-catégories sont ensuite créées : il s'agit du niveau 2. Si nous reprenons l’exemple du pôle nature, vous trouverez les sous-catégories : animaux, catastrophe naturelle, botanique, etc. Pour plus de précisions, il est également possible d’ajouter un troisième niveau. Les étiquettes des sous-catégories sont généralement collées sur le bas du livre.

Cette classification est désormais utilisée dans les bibliothèques scolaires du réseau, surtout pour les bibliothèques qui sont mise sur pied. Un passage de la CDU au langage naturel pour une bibliothèque existante représente un travail nettement plus conséquent et n'est pas nécessairement souhaité. 

© Lydia Jaillet

Ainsi, les documentaires sont regroupés par pôle sur les rayons, puis classés par ordre alphabétique du deuxième et du troisième niveau. 

© Lydia Jaillet

Comment ces trois bibliothèques ont-elles mis ce projet en place ?

Pour les deux bibliothèques scolaires (Montreux-Est et Lausanne Plaines-du-Loup), elles avaient l’avantage de partir d’une page blanche, car ce sont de nouvelles bibliothèques. Les livres n'étaient pas étiquetés, ni catalogués dans Renouvaud: le contexte était favorable pour se lancer dans cette classification. 

Pour créer les catégories, les bibliothécaires se sont inspirées du plan d'études romand (PER) et d'un mandat confié à des étudiant.e.s de la Haute École de Gestion. Les classifications de ces deux bibliothèques sont sensiblement différentes, car adaptées au degré de scolarité des élèves qui fréquentent la bibliothèque. 

Pour la bibliothèque de Nyon, les bibliothécaires ont créé, dans un premier temps, la classification pour le site Adultes. Pour ce faire, elles se sont inspirées des librairies et des bibliothèques françaises. Le choix des termes n’est pas toujours évident, elles ont fait tester leur classification par des usager.ère.s et des non-usager.ère.s. Dans un second temps seulement, cette classification a été adaptée pour le site Jeunes Publics.

Vous souhaitez vous lancer? Les bibliothécaires vous donnent quelques conseils...

•    Analyser les ressources en termes de temps et de matériel avant de se lancer dans le projet. 
•    Bien réfléchir à toute la classification en amont. En cas d'erreur, le temps de correction dans le logiciel et sur les étiquettes est bien plus long que le temps de réflexion.  
•    Inclure le public dans le processus. Pour les bibliothèques scolaires, il faudrait tester la classification avec des classes et des enseignant.e.s dans le cadre d'une animation pédagogique. Donner, par exemple, un livre à un.e élève et lui demander dans quel pôle elle ou il irait spontanément le ranger. 
•    Échanger avec les collègues bibliothécaires. 
•    Adapter la classification et les mots en fonction du public et des types de documents présents dans votre bibliothèque.
•    Avoir pour objectif principal de rendre les usager.ère.s autonomes dans leur recherche.

Quel est le retour d'expérience du public ? 

Les bibliothécaires de Nyon ont remarqué que les usager.ère.s sont plus autonomes. Il est également plus facile d’orienter les publics oralement, sans forcément les accompagner au rayon. Cependant, pour confirmer cette impression, il serait nécessaire de réaliser un sondage auprès des publics pour connaître leur ressenti et leur avis. 

Pour les deux nouvelles bibliothèques scolaires, il n'y a pas encore de retour des usager.ère.s. Les premières constatations se feront dans plusieurs mois. 

Mon avis ?

Suite aux visites de ces trois bibliothèques, j'ai réalisé à quel point mettre en place une nouvelle classification demande énormément de travail et de réflexions. C’est une démarche très intéressante à mes yeux, parce qu’il faut se mettre à la place des usagers.ères afin d’essayer de créer une classification compréhensible pour chacun-e (et pas uniquement pour le personnel des bibliothèques et les habitué.e.s !). Je suis très enthousiaste et curieuse de connaître le retour d'expérience des élèves et des enseignant.e.s pour les deux nouvelles bibliothèques scolaires. 

 

Suite au prochain épisode...

 

Lydia Jaillet